samedi 8 octobre 2011

Le régime algérien a horreur de la Constituante

 Sadat Abdelyazid

Les régimes qui se succèdent en Algérie depuis un demi siècle, de Ahmed Benbella jusqu’à aujourd’hui craignent-ils la Constituante comme une maladie incurable.

Tous les observateurs, intérieurs ou extérieurs, acteurs politiques ou neutres, savent comment les gouvernements, ou plutôt les fractions qui les mandatent, agissent pour la contrecarrer mais ils ne parviennent pas à expliquer clairement la réalité du pourquoi ils le font.

Hocine Ait Ahmed, pour ne citer que cet immense démocrate, prône l’idée de la constituante depuis qu’il a quitté son village à peine adolescent tancé par ses parents de cette caste maraboutique qui possède plus que des survivances palpables dans les contrées de la Kabylie, même dans les grandes métropoles où vous pouvez encore entendre un grand cadre de la nation, qui travaille à son compte ou pour le gouvernement, quand il lui est demandé s’il est kabyle il répond en ajoutant « et marabout en sus », histoire de vous avertir sur son lointain passé de berbérité musulmane.

Le pourquoi en réalité réside dans le fondement, mieux, dans les fondations de la parole proclamant l’intégrité de l’Etat, comme nation et territoire. Depuis la première réunion au cinéma Majestic, à Bab El Oued, au lendemain de l’Indépendance, sur les premiers textes de loi, qui a échoué et qui a ad vitam æternam banni la Constituante des paradigmes de l’entendement politique en Algérie, les pouvoirs d’administration et de décision entre les mains de l’armée, depuis celles des frontières jusqu’à celle-là, aujourd’hui, qui a peur de donner le Renseignement au civiles, font les gymnastiques les plus fulgurantes pour ne pas permettre à la pensée des vicissitudes courantes de vivre l’Islam des populations dans son acceptation laïque.

Ce n’est pas pour rien que le symbôle de cette traduction dans te terrain de la pensée universelle, je parle de Mohamed Arkoun, le fils de mon village, le maître incontesté du refus « du prêt à croire et à obéir », reconnu par l’intelligibilité mondiale pour son invention de l’ « islamologie pratique » qui met à nu, pour ne pas dire qui déshabille l’intégrisme et ses corollaires bellicistes, et qui crée de l’angoisse permanente dans les centres névralgiques du pouvoir en Algérie voulant coûte que coûte maintenir l’idée de l’islam dans les signification tragiques d’une religion de conquête comme l’essentielle constante nationale, ce n’est pas gratuit donc que son monumentale œuvre récompensée par toutes les plus hautes élites spirituelles de la planète – auxquelles les dirigeants algériens ne donnent aucune importance – a été interdite d’enceinte dans les registres d’apprentissage intellectuel en Algérie.

C’est, en revanche, le voisin marocain qui a compris la fulgurance de son érudition pour lui avoir ouvert honorablement les portes du royaume et permettre ensuite à sa vénérable dépouille de s’y reposer en paix. L’on se rappelle la cérémonie funèbre il y a une année qui a attitré les sommités culturelles et politiques de tous les coins de la planète mais seulement un vague correspondant diplomatique du consulat algérien à Paris, venu en catastrophe, et à titre personnel le responsable du centre culturel algérien en France, Yasmina Khadra en l’occurrence, de son vrai nom Mohamed Mouleshoul, dont il est difficile de savoir s’il est encore officier de l’armée.

Donc l’ « essentielle constante nationale » pour barrer la route à une constituante que le régime - qui ne peut pas se penser sans son renouvellement voltairien, bastonnant et esquivant, glorifiant et combattant l’islamisme – redoute qu’elle mette le doigt cette fois sur le véritable « essentiel », à savoir la préfiguration de justes débats sur le premier article de la Constitution (l’Islam religion de l’Etat) car l’article stipulant République Algérienne Démocratique et Populaire est à comprendre dans le sens du préambule. Le préambule justement.

On y lit dans le troisième paragraphe le triptyque de la composante fondamentale : Islam, arabité, amazighité.

Essayons de comprendre les rédacteurs de ce texte.

Aucune créature du bon Dieu ne peut se targuer de naître adulte, de venir au monde programmé génétiquement pour une croyance et un langage particuliers. Nous naissons avec un organe cérébral pour les performances idéelles, un larynx, une glotte et des groupes de souffles aptes à nous donner la capacité de parler, sans plus au départ. Mais regardons de près des situations de vécu réel.

Imaginons deux enfants en bonne santé nés et grandis jusqu’à la scolarité, l’un dans une bourgade de Kabylie, l’autre dans un lieu-dit en pays chaoui, par exemple au hasard, le premier quelque part à Taourirt Aâden dans le Djurdjura et le second à Tabegart dans les Aurès. Ils rentrent à l’école pour apprendre l’arabe langue officielle, en considérant qu’ils savent déjà réciter la fatiha sans la comprendre - ce qui ne veut absolument pas dire que la majorité du milliard de musulmans dans le monde, sans compter les reconvertis à travers la planète, la comprenne mot à mot – c’est-à-dire qu’il vont apprendre une langue nationale officielle ne sachant pas parler à la maison ne serait-ce qu’une variante dialectale de celle-ci. Pédagogiquement et linguistiquement, les deux pauvres têtes brunes vont devoir apprendre en vérité une langue étrangère.

L’extrapolation est voulu extrème parce que dans la réalité du premier cursus scolaire, du manuel et de l’échange oral avec le maître, l’arabe lui-même tel qu’il est enseigné est une langue étrangère sauf pour les génies précoces possédant les capacités innées de la fousha d’El Mounfalouti ou de Khalil Jabran. Pendant qu’il faut aussi ne pas perdre de vue le natif des villages de Saïda, de Annaba ou de Tlemcen pour qui il se poserait la question de lui apprendre l’amazigh. Mais dans ce cas quel amazigh ? Celui de Tizi Ouzou et Béjaïa, de Batna et Oum el Bouagli, ou de Ghardaïa et Ouargla, et cetera ?

C’est dire déjà que la Constitution jusqu’à sa version de 88, tripotée avec la science de l’abrutissement pour permettre le dessein d’une personne au détriment de la destinée de plus de trois dizaines de millions de citoyens, pour reprendre à la volée le concept du khalifat, soi-disant pour combattre la violence intégriste et « asseoir les libertés individuelles et communautaires », au moment où la démocratie planétaire se cherche des sophistications plus raffinées, plus rationnelles, de but en blanc elle met la nation algérienne dans une espèce de situation d’existence identitaire schizoïde. Où par des recoupement de termes d’Histoire et d’acception linguistique, il est difficile de faire la différence entre celui qui jadis a consenti le sacrifice de laisser veuve et orphelins pour le recouvrement de la dignité nationale et l’autre, pour la gloire d’un Islam abstrait, qui se fait s’exploser avec une bombe face à un commissariat de police jouxtant une école près d’un abri bus : constitutionnellement parlant, ils sont tous les deux martyrs.

Je suis persuadé que la Constituante ne permettra plus, au moins, cela.


Abdelyazid sadat

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