L’Algérie de Tom et Jerry
Durant trente ans de vie politique stable, l’Algérie a baigné dans
le scénario de « Popeye ». Chacun des acteurs sociaux trouvaient son
compte dans la redistribution sociale. La manne financière issue des
recettes pétrolières de l’époque n’avait pas l’élasticité à la hausse
que nous vivons aujourd’hui. Malgré cette contrainte, l’endettement
extérieur et le recours massif à la planche à billet, permettait de
donner à tout un chacun du moins le minimum vital sinon un revenu
suffisant pour se remplir la panse à la Popeye. L’Etat providence était
craint, quoique honni en cachette, et subventionnait tous les produits
de large consommation à la satisfaction de toutes les couches
sociales. Un régime de cette sorte, insouciant et dépensier aurait pu
tenir 100 ans sans être inquiéter réellement sur sa politique
économique, car les agrégats économiques n’avaient de valeur que par
leur côté philanthropique, et les représentants de l’Etat n’avaient de
compte à rendre qu’à l’intérieur d’un satisfécit général de leur bilan
annuel qu’on remettait jamais en doute. Il a fallu attendre
l’écroulement du bloc soviétique qui constituait la bouée de soutien du
régime de popeye algérien pour voir nos dirigeants renouer avec les
réalités économiques, craignant de ce fait les mauvaises notes du FMI
qui les a embrigadés à l’intérieur de ses fourches caudines ( entendre
par là leur faire subir un traitement humiliant avec son fameux plan de
réajustement structurel). Ce plan a mis fin au cycle de vie du régime
Popeye.
Par la suite les fameuses réformes initiées sous l’égide du FMI
ont visé à renverser la tendance du passé. Désormais l’économie est
plus ouverte, le secteur public qui distribuait la rente au profit
d’une large population s’est rétrécie après son démantèlement touchant
presque tous les secteurs. L’aisance, au profit des masses, vécue
jusqu’à l’écroulement de l’ère socialiste, a disparu pour laisser place à
une économie s’appuyant sur la recherche du gain pour survivre coûte
que coûte. Une large majorité de la population a fini dans le
labyrinthe de l’économie informelle. Cette économie savoure les
fondements de l’import-import au profit d’une caste de nouveaux
affairistes invisibles et où seuls émergent les réseaux de revendeurs
issus des couches populaires, rejetés par le secteur public et/ou
recalés par l’école (suite au désastre de l’éducation).
Dans ce scénario, les pouvoirs publics qui ne peuvent pourvoir aux
besoins de cette population, avec la carte périmée de Popeye, laisse
faire indéfiniment selon la conjoncture, tout en maintenant leurs
privilèges extravagants. Alors de quoi s’agit-il.
Dans un pays où l’Etat est fort et accomplie sa gouvernance selon
la règle de la démocratie, c’est à dire redevable devant les électeurs,
c’est-à-dire le Peuple, le phénomène de l’informel appelé l’économie
sous-terraine (underground en anglais) représente entre 5 et 7% de
l’économie nationale.
Dans le cas de l’Algérie, nous savons que notre économie ne repose
sur un mono-produit que sont les hydrocarbures exportées, le reste est
quasiment nul et tributaire des produits importés. L’Etat ne peut donc
assurer un revenu à tous sur la base d’un plein emploi du secteur
économique réel. Le résultat est qu’il laisse faire. L’informel de nos
jours a pris le pas et s’est donné pignon sur rue. Qu’il s’agisse de
l’économique ou du politique, à chaque fois que l’Etat est dans
l’impuissance de satisfaire toutes les revendications l’informel se
manifeste de manière inopinée.
On assiste de nos jours à un nouveau cycle de Tom et Jerry qui s’est substitué au cycle de Popeye.
Qu’en est-il du légendaire Tom et Jerry et bien ceci :
« Le scénario de chacun des épisodes est basé sur les tentatives infructueuses de Tom
pour attraper Jerry et le chaos que leurs bagarres engendrent. Les
raisons qui poussent Tom à pourchasser Jerry vont de la faim purement
féline au simple plaisir de tourmenter plus petit que soi, en passant
par un désir de revanche pour avoir été ridiculisé. Tom ne
réussit cependant jamais à s’emparer de Jerry, en particulier à cause de
l’intelligence de la souris. La série est célèbre pour l’utilisation
de gags parmi les plus destructifs et violents jamais utilisés dans un
dessin animé : Jerry découpant Tom en deux, Tom utilisant toutes les
armes et artifices à sa portée pour tenter d’assassiner Jerry ».
Ceci pour illustrer notre régime qui gouverne les algériens depuis
1962, après le cycle de Popeye, mort et enterré, il est devenu par la
force des choses le Tom du peuple algérien qui lui s’apparente à Jerry.
Chaque jour que Dieu fait nous assistons à un épisode légendaire
de Tom et Jerry dans les rues des villes et villages algériens
(rapportée par la presse nationale) et cela depuis la décennie noire
(répression du pouvoir contre les révoltes de la faim subie par le
Peuple, revendication réprimée d’un toit, d’une amélioration du pouvoir
d’achat, révolte réprimée contre la mal-vie, contre la hogra, revanche
du pouvoir contre la révolte de 1988 et le vote massif pour le fis.
Relâchement du pouvoir pour calmer les soubresauts du Peuple
(dispositif ansej, micro-crédit, laisser-faire, logement social en
bataille rangée etc.). Le pouvoir Tom croît qu’il est plus fort avec sa
police usant de matraque et de gaz lacrymogène, mais le peuple Jerry
lui prouve chaque jour qu’il ne l’entend pas de cette oreille. Parfois
il lui donne l’impression que sa faim est assouvie, mais le temps de
faire durer le plaisir et le revoilà dans sa quête de sa part de gâteau,
allant jusqu’à extérioriser sa colère dans la destruction et la
violence incontrôlable.
Le pouvoir actuel n’a pas encore compris qu’il ne pourra se
débarrasser de Jerry que lorsqu’il acceptera de se retirer de sa vue
définitivement. La raison est simple : un pouvoir impuissant (incapable
d’unir tous les algériens, à leur assurer un avenir pour leurs
enfants, un toit familial, un emploi productif, une éducation
exemplaire, une justice sociale, une démocratie sociale, toutes ses
valeurs fondamentales nécessaires à la vie décente d’un peuple) ne peut
pas battre Jerry qui est toujours en train d’imaginer les astuces pour
le ridiculiser publiquement, car il y va de sa survie. Attention la
télévision est mondiale de nos jours.
« Un pouvoir tyrannique sera abandonné, inéluctablement, par son peuple sur le champ de bataille».
Rochdi Siddiq
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