jeudi 2 février 2012

  
La peur de demain qui ressemblera à hier 
 
 
 
par El-Houari Dilmi
 
Si, sur les cimes de la République, le personnel politique au gouvernail du gigantesque vaisseau Algérie s'échine, avec beaucoup de labeur, à rapiécer le costume trois-pièces-cuisine d'un pays en entier plus que jamais à l'étroit, et lui faire retrouver son âme novembriste gâchée, peut-on en dire autrement du pouvoir local, où la poussière épaisse s'amoncelle pour être cachée sous le grand tapis neuf de la République ?

Englué dans une réalité plus cauchemardesque que psychédélique, le pouvoir local agit comme une pastille d'aspirine sur un corps atteint d'un cancer métastasé. Une attraction-répulsion qui fait toujours remonter… plus haut les effluves suffocants de l'ire populaire. Jusqu'à l'émeute et les drames de l'irréparable… Et comment peut-il en être autrement lorsque chaque jour qui se lève sur l'arrière-pays profond est pour le citoyen fatigué une épreuve nouvelle pour mesurer le fossé immense qui sépare encore les discours aseptisés de la réalité crue, la parole naturellement facile contre l'acte forcément difficile. Autant l'Algérie « officielle » se veut debout sur ses ergots aiguisés et déterminée à extirper d'une main ferme et décidée les bourgeons de la Fitna, autant le pays profond hésite encore à se projeter dans un avenir qu'il craint de voir ressembler à hier. Il faut bien dire qu'au niveau de la « perception locale » du Pouvoir, la distance qui sépare Alger, le Centre des centres, du reste du territoire provincial semble toujours s'étirer de plusieurs dizaines de kilomètres, au point que même le projet du siècle qu'est l'autoroute Est-Ouest n'a pas réussi à écourter la distance qui nous sépare de la capitale, comme inextinguible sur ses hauteurs impossibles à escalader. « Une Loi qui démarre rigide d'en haut arrive jusqu'à nous en bas comme molle et élastique », selon une belle formule soufflée au chroniqueur par un ex-maire. C'est que les relais locaux, apparentés à des courroies de transmission contrefaites, sont depuis longtemps enrayés.

Lorsqu'il faut attendre jusqu'à la mort pour prétendre à un F quelque chose pour blottir sa progéniture sacrifiée. Quand il faut s'armer d'un trésor de patience pour quémander un document à un service public « privatisé ». Lorsqu'il faut « graisser la patte » pour « acheter » son droit. Attendre une éternité, sinon des lustres entiers, pour humer l'air stérilisé et l'ambiance feutrée du « gros » bureau… d'un tout petit responsable qui s'empresse aussitôt à vous « arroser » de ses propres tourments pour vous faire oublier les vôtres, l'on a tout le mal du mal à convenir que quelque chose est en train de changer dans ce pays… Si des peuples, les vrais, s'imposent aujourd'hui en véritables maîtres du Monde, ce n'est certainement pas – ou seulement – grâce au génie de leurs gouvernants, mais c'est surtout là le résultat bienheureux d'une implication réelle, effective et persuasive de ses forces, toutes ses forces, y compris celles mises au frigo parce que placées en état artificiel d'hypothermie. Plus que le pain, l'eau, l'huile ou le sucre, c'est assurément de cela que nous avons besoin… pour ne pas nous laisser prendre en mauvais sandwiche Quick, dans une planète qui bouge sans cesse, au point où les mêmes positions ou repères géographiques ne pèsent plus rien devant l'appétit impitoyablement léonin de l'Autre…

Aucun commentaire: